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Olivier Poivre d’Arvor : « Les pôles comme les glaciers sont devenus de véritables bombes climatiques »

Je reviens d’une mission en Antarctique organisée par l’Institut polaire français Paul-Emile-Victor sur nos bases scientifiques Dumont-d’Urville et Concordia. Leurs chercheurs nous ont confirmé que, à la fin de l’hiver austral de 2023, la banquise antarctique avait connu sa plus faible surface de toute l’histoire des relevés. C’est ici également que, le 22 mars 2022, dans la station franco-italienne Concordia, nous avions constaté une température de plus de 40 °C par rapport aux normales saisonnières.
Au pôle Nord géographique, puis au Svalbard (Norvège) dans la station franco-allemande Awipev, j’ai pu pareillement mesurer le retrait de la banquise arctique. Le réchauffement climatique y est, depuis quelques années, trois fois plus fort que dans le reste du monde, conduisant d’ici à 2030 l’océan Arctique à être privé de glace de mer en été.
Toutes les récentes études scientifiques disent la même chose, aussi simple que terrifiante : les pôles, comme les glaciers, sentinelles du climat, châteaux d’eau en voie d’effondrement, sont aujourd’hui devenus de véritables bombes climatiques. Les victimes à déplorer n’en seront pas uniquement, comme cette année, les manchots empereurs, décimés par la fonte précoce de la banquise antarctique en pleine période de reproduction. Pas seulement, non plus, les ours polaires et les bébés phoques qui céderont bientôt leur place aux porte-conteneurs sur les routes libérées par la disparition de la glace marine arctique : ce seront les hommes, par centaines de millions, et ce partout dans le monde, selon le principe que ce qui se passe dans les pôles ne reste pas dans les pôles.
On tenait en effet jusqu’alors comme irréversible la fonte de l’inlandsis du Groenland, capable d’élever le niveau de la mer à l’échelle globale de plus de 6 mètres. Mais aujourd’hui, l’Antarctique, un continent plus grand que l’Europe et riche de 70 % de l’eau douce mondiale, montre des signes de plus en plus préoccupants.
D’énormes glaciers se détachent, grands comme dix fois la taille de Paris ou de Londres, et s’apprêtent à contribuer à une fatale hausse du niveau de la mer. Si celle-ci n’atteindra pas immédiatement les 60 mètres que représente la fonte de la totalité des glaces du continent, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cesse de réévaluer ses prévisions. L’océan se sera élevé au minimum de 2 mètres à la fin de ce siècle, pour moitié en raison du réchauffement thermique des eaux, pour l’autre moitié par la fonte des pôles.
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