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« Signaler un cas de maltraitance sur un enfant résulte de la liberté de conscience des médecins, pas de leur obligation »

Dans la lutte contre les violences intrafamiliales, l’idée d’obliger les médecins à signaler à l’autorité judiciaire toute maltraitance sur mineur fait son chemin, malgré les oppositions.
D’un côté, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et des associations avancent que les médecins ne signalent pas assez (1,7 % des dénonciations effectuées en 2022 l’ont été par des médecins) et militent en faveur d’une telle obligation, même en cas de simples suspicions de violences (un vœu exprimé par le collectif Stop Violences Médecins). D’un autre, l’ordre des médecins se montre défavorable à des demandes qui tendent à écorner le secret médical, garantie du patient dans sa prise en charge et du médecin dans la confiance accordée.
La protection du secret médical est notamment consacrée à l’article 434-3 du code pénal. Celui-ci prévoit une obligation générale pour quiconque de dénoncer les violences infligées à un mineur, mais exclut de son champ d’application les personnes astreintes au secret professionnel. Les médecins ne peuvent donc faire l’objet de poursuites pénales ni disciplinaires au seul motif qu’ils n’auraient pas signalé un cas de maltraitance sur un enfant, ce choix résultant de leur liberté de conscience. Mais ils font pourtant l’objet d’injonctions à dénoncer les comportements suspects… sous peine de poursuites judiciaires.
La Haute Autorité de santé (HAS), dans ses recommandations aux médecins sur le syndrome du bébé secoué, précise par exemple que, « lorsque le diagnostic de secouement est évoqué ou posé, l’absence de signalement par le professionnel de santé peut notamment l’exposer aux sanctions de l’article 223-6 du code pénal ». Or, l’article 223-6 ne sanctionne pas l’absence de signalement en tant que telle, mais la non-assistance à personne en danger, obligation qui incombe à chaque justiciable, dans l’exercice de ses fonctions ou non.
Ainsi, si chaque médecin est soumis au texte, c’est à la condition, comme pour tous, que le danger soit certain et imminent. En d’autres termes, le fait d’« évoquer » un diagnostic médical, c’est-à-dire émettre une hypothèse, ne fonde jamais une obligation de dénonciation pour le médecin, qui ne craint alors aucune sanction. La HAS dit donc faux.
De leur côté, les médecins qui soutiennent l’idée d’une obligation de signalement avancent que leur rôle consiste à alerter, pas à poursuivre ni à punir. Vrai !
Mais, dans des institutions sinistrées par manque de moyens (hôpital, police, justice), les soupçons de ceux qui dénoncent, par l’autorité qui leur est conférée, deviennent rapidement les certitudes de ceux qui jugent, faisant cavaler le risque d’erreur judiciaire sur les pavés des meilleures intentions. A ce titre, si les signalements des médecins sont plus nombreux chaque année, c’est probablement moins en raison d’un plus grand soin apporté à leurs patients (obligation qui repose sur un serment vieux de 2 500 ans) que par crainte de représailles procédurales.
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